Impossible de ne voir qu'elle...
Jamais assez bouillante. Jamais assez douloureuse.

L'eau coule, mordant ta peau blanche et laissant dans son sillage des traces brûlantes. Elle roule sur ton front, se perds dans tes mèches bleus, suis ton ventre pour aller flirter avec les ignobles traces que tu tentes vainement de noyer. Laminé, tu caches ton visage dans tes mains. Partout, tu cherchais le réconfort de l'obscurité. Plus jamais, tu ne voulais voir l'éclat du soleil. Sa chaleur caressant affectueusement ton corps, tu ne veux plus la ressentir. Un tremblement te secoue. La douleur revient. Encore et encore, tu revivais la scène. Comme Icare, tu avais été avalé par l'océan. Apollon avait brisé ton aile. C'était fini. Tu ne volerais plus.

Apollon... Que lui as-tu fait pour ainsi provoquer sa colère ?

Tu aurais aimé ne jamais connaitre tout cela. Oublier le ciel. Son bleu. Effacer ce moment où pour la première fois, tu avais fendu l'air. Te débarrasser de la solitude. De ton coeur qui ne s'arrête pas de saigner. De tout ce qui t'écœure. Oublier et simplement tout recommencer. Embrasser la vie pour la dernière fois avant de lui faire tes adieux. Pourtant Soren, ce n'est pas comme si tu voulais vraiment mourir. Mais est-ce que tu veux vraiment vivre ? En ce moment, tu veux simplement fermer les yeux. Dormir, tout en restant éveillé. Ne rien voir, mais ne rien rater non plus.

Assez. Il faut que tu sortes...

La rue s'offre à toi. Elle a triste mine sous la pluie fine qui s'écrase mollement sur ton blouson. Tu ne rêves plus, Soren. Tu cours après l'ombre. Tu t'effaces face à la lumière. Et puis, il y a comme un serpent vicieux qui s'enroule autour de ton coeur pour injecter son venin au plus profond de ton âme. Tu deviens égoïste. Tu veux fuir son sourire. L'éclat de son regard te consume. Tu veux disparaitre devant celle de ton souvenir. Mais ce n'est pas elle. Tu l'aurais reconnu entre milles. Regarde là, elle n'inspire que pitié. Celle que tu aimes n'aurait pas fait ça. L'angoisse ne s'incrusterait pas au fond de ton ventre si elle était devant toi. Pourtant, tu veux vérifier. Juste un mot, juste une parole. Et tu sauras...

▬ La douleur ne te va pas...

Un rictus marque tes traits lorsque tu lui susurres ça. Tu ne te reconnais pas. Effaçant froidement les larmes qui perlent au coin de ses yeux, tu tentes d'apercevoir le fauve. Mais même lui a disparu. Elle a mal, tu le sais. Mais tu te gargarises en te disant qu'elle souffre moins que toi.

Ou peut-être plus...

Neuf heures et trente-six minutes.

C'était le temps qui s'était écoulé depuis qu'elle avait vu cet homme sur le pas de la porte. C'était un militaire. Un pilote même au vu des ailes brillantes qui avaient attirées son regard. Après l'avoir saluer poliment, il lui avait demander si l'Amiral Winchester était à la maison. Ses dents étaient serrées, mais à cet instant, elle n'y avait guère prêter attention. Sans attendre, elle avait crier dans le couloir pour appeler son père. Il n'y avait rien d'anormal, on venait souvent déposer des documents ici. Parfois, il s'agissait même d'une convocation chez le dirigeant Harper. La seule chose négative qui aurait pu arriver était que James doive quitter précipitamment la maison pour une mission. Et encore, elle y était habituer.

▬ "Que se passe-t-il ?"

L'Amiral se posa à côté de sa fille et l'homme se décomposa. Il était vêtu d'un jean et d'une chemise légère, mais il émanait toujours de lui cette prestance qui avait fait de lui un gradé respecté de tous. Le militaire bredouilla quelques mots en se mettant au garde à vous et en déclinant son identité. C'était le Lieutenant Javier Lorenzi du douzième escadrons de la Division Aérienne de Liberty. Étrangement mal à l'aise, l'Amiral posa sa main sur l'épaule de la blonde, la rapprochant de lui. Javier continua. Il avait été l'équipier d'Andromaque, il se devait donc de leur annoncer la triste nouvelle lui-même. Celle-ci tomba comme un couperet.

▬ "Monsieur votre fils est mort..."

Il avait murmurer ses mots entre quatre excuses, ne sachant visiblement pas comment s'y prendre. Silencieusement, James avait enfouis son visage dans les mèches de sa fille, tentant visiblement de retenir ses larmes. Mais c'était une chose impossible. Son cher enfant, son aîné, celui avec qui il s'était fait sa première expérience en tant que père ne reviendrait plus jamais à la maison. Comment était-ce possible ?! Deux jours plus tôt, il le voyait encore, souriant, grimper dans l'hélicoptère qui le conduirait jusqu'au porte-avion sur lequel il avait été affecté. C'était sa première bataille. Il était doué. Il ne pouvait pas s'être fait descendre ! Pas son fils. Pas Andromaque !

Aussi étrange que cela puisse paraître, Sydney n'avait pas pleuré. Elle s'était contentée de rester droite, un bras fermement accroché à la taille de son père alors son autre main refermait la porte. Personne n'avait rien dit. Se sentant de trop, le Sergent Lorenzi s'était éclipsé. Peut-être était-il aussi gêné de voir celui qu'il considérait comme son héros dans un tel état. Avec le même calme, elle avait expliqué la situation à Jeremiah. Ses yeux s'étaient écarquillés et il avait bien tenter de l'enlacée, mais elle s'était immédiatement détournée. Sans attendre le retour de sa mère, elle avait laisser les deux hommes seuls et elle s'était enfuis loin de toute cette tristesse. Une fois dehors, elle avait pris son téléphone et sans s'en rendre compte elle avait composer le numéro du pilote du jet de son grand-père pour lui annoncer qu'elle devait partir immédiatement pour la France. Et puis, elle était bel et bien partie. Quelques heures plus tard, elle avait rejoins Paris et cette rue toujours déserte à l'arrière d'un petit bar chaleureux qu'elle connaissait si bien. Elle avait marcher jusqu'à l'immeuble, mais jamais elle n'y avait pénétrer. C'était trop difficile. Et puis, elle n'avait le droit de refaire ainsi surface après tous les mots ignorés et les larmes qu'il y avait eu entre eux.

Et puis, sa silhouette s'était découpée dans le rideau de pluie. Ses mèches lui collant au visage, il s'était avancé sans la voir. Elle, elle s'était écroulée. Ses jambes avaient cédées et agenouillée sur le sol, elle avait laisser les larmes cascader le long de ses joues. Lorsque enfin, il s'était aperçu de sa présence, il l'avait rejoint, mais c'est avec une certaine dureté qu'il l'accueillit. Les mots sifflèrent comme des vipères, la laissant encore plus silencieuse. Malgré sa peur, elle se laissa aller contre lui. Les bras ballant, il ne faisait rien.

▬ S'il te plaît... avait-elle murmurer.

Elle pouvait n'est-ce pas ? Juste une étreinte et elle disparaitrait...

Et là, tu te dis que tu l'aimes peut-être encore...

Les bras de Sydney entourant ta taille. Le poids de son corps reposant contre le tien. Son odeur sauvage se mêlant si délicieusement à la tienne. Et surtout ses lèvres d'une blancheur inquiétante durement serrées pour l'empêcher de craquer complètement. Tous ces détails de sa personne t'ont manqués, tu peux difficilement le nier. Toutes ces choses qui t'ont torturées durant des mois alors que tu avais décidé d'arrêter les frais. Elle n'est pas pour toi, tu le sais. Et pourtant, tu ne peux t'empêcher d'espérer qu'elle revienne pour toujours. Avec joie, tu reprendrais ton rôle de gardien de ses nuits. Tu veillerais son sommeil, essuyant son front fiévreux lorsque des cauchemars l'agiteraient. Mais d'abord, tu veux comprendre. Comprendre son agitation. Comprendre la raison de ces larmes qui lui ressemblent si peu.

▬ Calmes-toi...

Ca y est, elle t'a eu. Maintenant, tu ne fais plus du tout attention à ta propre souffrance. Toute ton attention se dirige vers elle et tu tentes tant bien que mal de la réconforter. Avec une douceur infinie, tu l'enlaces, surpris de la sentir si frêle. Avant, tu la voyais toujours inébranlable. Mais peut-être que toi aussi tu t'es faite une fausse idée d'elle. Sydney n'est pas un fier voilier que la mer agitée ne peut renverser. Ce n'est qu'une fragile barque qu'on laisse dériver sans s'en apercevoir. C'est peut-être pour ça qu'entre vous ça n'a jamais marcher ?

Alors que tu caresses son dos, tu espères que ta chaleur suffira à la réconforter. Mais déjà tu la sens se tendre sous des milliers de frissons. Malgré son silence, les larmes l'agite. Tu veux lui crier que tu l'aimes. Que tu seras toujours avec elle. Pourtant tu ne dis rien. Tu sais que si tu fais ça, elle partira en courant. Alors tu ravales tes mots et sans la lâcher, tu essayes de retirer ta veste. Elle ne porte pas grand chose sur le dos, elle doit mourir de froid. C'est bien du Sydney tout cracher d'oublier une chose aussi importante qu'un vêtement chaud lorsqu'elle vient te voir.

Lorsque tu tentes de mettre un peu de distance entre vous pour la regarder, tu te rends compte que son poing est fermement serré sur ton t-shirt. Elle refuse de te lâcher, émettant quelques gémissements plaintifs quand tu essayes de la détachée. Alors tu tiens fermement sa taille et lentement, tu la fais rejoindre ton appartement. Ici au moins, il fait chaud c'est une inquiétude en moins.

▬ Chut ma Princesse... Je vais trouver une solution.

Et voilà que tu te mets encore une responsabilité de plus sur le dos. Attrapant la couette, tu l'enroules tant bien que mal autour de la blonde et tu l'as fait s'asseoir avec toi sur la banquette du piano. Tu te souviens très bien de ces nuits à jouer pour qu'elle dorme paisiblement. Tu te souviens de sa tête sur ta cuisse, appréciant les vibrations de l'instrument alors que tes doigts virevoltaient sur les touches. Il n'y a pas de raisons que cela ne fonctionne plus donc tu entames son morceau favoris. Les notes s'envolent joyeusement et petit à petit, tu la sens se détendre. Son corps s'agite encore sous les sanglots, mais elle semble attentive.

Peut-être est-ce pour cela qu'elle est venue ? Ton piano, c'est sa seule échappatoire.